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Dieu éduque parce que
– et quand – il sauve

Motif, chemin et but de la pédagogie du Dieu de l’exode

Dans l’Etrenne le Recteur Majeur a voulu « attirer l’attention non pas tant sur les destinataires de l’œuvre éducative, mais directement – dit-il lui même – sur vous tous, chers éducateurs et éducatrices, qui vous sentez comme Jésus, consacrés et envoyés par l’Esprit du Seigneur, pour évangéliser, libérer du l’esclavage, redonner la vue et offrir une année de grâce à ceux qui s’adresse votre œuvre éducative ».

Que cette année d’Etrenne se centre sur la personne de l’éducateur cela me semble, sans en doutes, juste. « L’Etrenne, en effet, veut être un appel à renforcer la méthode éducative, a clarifier l’objectif de notre travail, a nous rendre conscients de la retombée sociale de l’action éducative ». Mais sa plus grande valeur, à mon avis, réside dans l’identification de l’éducateur avec le Christ, c’est à dire, à affirmer l’égalité de la mission éducative avec la mission messianique : comme le Christ, l’éducateur se sent consacré et envoyé par l’Esprit pour évangéliser, libérer des esclavages, et offrir un temps de grâce (Cf. Is. 61,1-2). Même s’il n’est pas formellement exprimé dans l’identification de l’éducateur avec le Christ, on suggère la compréhension du fait éducatif comme un acte de salut, ce qui voudrait à déclarer que dans le christianisme Celui qui sauve éduque et Celui qui éduque sauve.

Le but des mon intervention est, justement, d’approfondir cette intuition, je voudrais présenter le salut de Dieu comme éducation et, aussi encourager les éducateurs – et qui, appartient à la Famille Salésienne, et qui ne l’est pas ? – à remplir le rôle de Dieu, c’est à adire sauver en éduquant, avec autant de conscience que d’efficacité. Je pourrais avoir pris l’idée chez Lc 4, 18-19, la citation évangélique que le Constitutions SDB utilisent dans le Chapitre IV, quand elle « reformulent comme manifeste éducatif pastoral » « ce que Don Bosco a vécu et dit » (1)
Il m’a semblé cependant mieux convenir au motif central et plus riche de perspectives stimulantes, de proposer une réflexion biblique sue l’exode d’Israël de l’Egypte, l’événement créateur d’Israël en tant que peuple de Dieu (2), puisque il nous rappelle un Dieu éducateur – et qui toujours – sauve.

AA.VV, Le projet de vie des salésiens de Don Bosco. Guide à la lecture des Constitutions Salésiennes (Rome 1986) 282. « Ce que Jésus a dit a été définie son «’manifeste’, qui unit ensemble la cause et la force profonde de son être et de son agir (l’Esprit du Seigneur), l’authenticité est la fécondité de sa mission (consécration par l’onction), les contenus de la mission elle-même qui sont les nouveautés de vie apportées par le Règne de Dieu ».
Il ressort très significatif que l’autre grand acte « créateur » de Dieu , la création, sont présenté dans la Genèse comme une réalisation chaque fois « éducative » : Dieu sauve la création en faisant sortir de la confusion initiale « le ciel et la terre » (Gn. 1,1-2). Grand éducateur, Dieu fait sortir de la terre l’homme (Gn.2,7) ; d’une de ses côtes, la femme (Gn. 2,21-22) ; de l’ignorance et du jardin d’Eden, les premières parents (Gn. 3,16-19) ; de sa propre terre, le premier homicide (Gn. 4, 10-15) ;

I. DIEU SAUVE EN EDUQUANT

Paradigme par antonomase de salut historique dans la Bible, la sortie d’Egypte est présentée dans le livre de l’Exode comme une longue et magnifique réalisation éducative divine. Pour faire sortir Israël de l’Egypte, Dieu agit pendant longtemps es avec autant d’enthousiasme sue d’imagination. Il y a quatre étapes dons le processus éducatif que Dieu entreprit pour sauver Israël.

La première, préliminaire, mais indispensable, se réalisa quand Dieu en personne sortit de l’anonymat et se choisit Moïse comme médiateur en le faisant sortir de ses occupations et de sa famille pour faire sortir d’Egypte le peuple de Dieu (Cf. Ex. 3,1-4,17). Dieu se fit connaître quand Il fit connaître à Moïse le salut qu’Il envisageait pour son peuple.

Les trois autres étapes sont, en réalité, les phases successives d’un unique mouvement de libération : dans la première phase, Dieu impose – autant à l’Egypte, peuple oppresseur, qu’à Israël son protégé – de quittes la situation d’injuste esclavage et de commencer un libre service (Ex. 7,8-13,16) ; dans la seconde, Dieu fait errer Israël, à peine la liberté a-t-elle commencé, à travers un désert pendant quarante ans, jusqu’à ce qu’il devienne son peuple élu (Ex. 13,17-24,18) ; finalement, après avoir été son unique compagnon de marche et son seul allié, Dieu fait entrer Israël dans la Terre promise et dans son repos (Nb 227,12-23 ; Js 1,1-11).

LE MOTIF : LA REVELATION D’UN DIEU NOUVEAU
En Se révélant, Lui même, Dieu éduqua Moïse comme médiateur et représentant
« Je t’envoie chez le Pharaon. Fais sortir d’Egypte mon peuple »
(Ex 3,10)
Avant de se mettre à sauver, en exilant Israël d’Egypte, Dieu se révèle Lui même, en révélant son plan à Moïse, qu’il choisit comme intermédiaire, porte-voie de se projet et leader de la libération qui va se réaliser : « Je suis descendu pour libérer Israël de la main de l’Egypte…Je t’envoie chez le pharaon. Fais sortir d’Egypte mon peuple » (Ex 3,8.10) Parce qu’il veut retirer Israël de l’esclavage, Dieu doit, d’abord, se choisir un médiateur et l’éduquer personnellement.

1.1. Apprendre à devenir médiateur de Dieu, une formation ardue et fatigante

Avant d’entreprendre un sauvetage qui se réalisera par un grand exode, Dieu soumet celui qui devra le diriger à une formation longue et fatigante. Le médiateur devra expérimenter personnellement, en premier, ce que au nom de Dieu, il proposera à son peuple. Celui qui doit éduquer le peuple de Dieu, devra d’abord se laisser éduquer par Dieu.

Moïse, qui à peine né avait été sauvé « des eaux » d’un grand fleuve (Ex 2,10), est appelé à réaliser un sauvetage en divisant la mer « pour que les israélites entrent à sec dans la mer (Ex.14,10). Enfant d’hébreux ( Ex 2,6), adopté par la fille de pharaon (Ex 2,11) : il assassinera un égyptien (Ex 2,12) et devra partir en exil pour sauver sa propre vie (Ex 2,14). Celui qui guidera un jour l’émancipation du peuple (Ex 14,4) s’était sauvé auparavant par la fuite (Ex 2,15) ; pendant des années il vécut « en émigré sur une terre étrangère » (Ex 2,22) , avant de conduire son peuple par un désert pendant quarante ans (Dt 29,4) : celui qui sera appelé à conduire Israël à la rencontre de Dieu (Ex 19,1-25) vivant chez des étrangers quand Dieu le rencontra (Ex 3,3-6).

Il saura comment s’opposer à Dieu (Ex 4,1-14 ; 6,12-30) celui qui devra résister aux rébellions de son peuple (Ex 14,11 ; 15,24 ; 16,2-3 ; 17,2-4). Il connut l’incompréhension, le refus des siens, il sera témoin d’un Dieu mal connu et contesté (Ex 16,3.8 ; 17,3).

Si ardue, et même cruelle, fut la formation à laquelle Dieu soumet Moïse, plus inhumaine devient sa fin. Celui qui favorisa et guida la sortie de l’Egypte, celui qui escorta et accompagna son peuple dans le désert, celui qui lui accorda un corps de lois et une conscience de nation, celui qui fit de lui un allié de Dieu, finira ses jours sur le seuil de la terre promise : il entrera dans le repos de ses pères (Dt 31,16) sans entrer dans celui de Dieu (Dt 31,21) ; il lui sera accordé de voir de loin, sans même la visiter, cette terre si désirée (Dt 32,55) qui était la réalisation du salut promis. Celui qui avait été choisi pour être le médiateur du salut, finit sa vie en faisant l’expérience d’un salut « à moitié » : il mourut et fut enseveli « selon l’ordre du Seigneur – au pays de Moab (Dt 34,5.6). La sort de celui qui fut appelé à être l’intermédiaire entre Dieu et son peuple c’est de rester à mi-chemins, sans appartenir définitivement à aucun des deux.

1.2 Avoir trouvé Dieu, origine et cause de la médiation

Moïse fut capable de supporter cette fatigante formation parce qu’il avait connu Dieu en personne. Le Dieu qui, sur le mont Nébo, montra à Moïse « tout le pays » et les lui fit voir de ses propres yeux (Dt 34,1.4), s’était approché de lui en personne  « dans l’Horeb, la montagne du Seigneur » (Es 3,1.4). Moïse rencontra Dieu dans le buisson qui brûlait sans se consumer, un Dieu qui ne se laissa pas voir, mais qui se fit écouter, un Dieu qui révèle un plan de salut, mais pas son visage. Moïse connut Dieu intimement, avant de se mettre à sauver le peuple ; le médiateur devint confident, avant qu’il ne souffrît de la pédagogie divine ; il se laissa éduquer par celui qui s’était révélé à lui : Dieu se fit connaître, avant de faire connaître son projet, d’abord il révéla son nom, puis son plan d’action ; et après seulement, il commença la formation de son médiateur. Celui qui a fait l’expérience de Dieu, expérimenta son action éducative : Dieu soumet à sa la pédagogie celui qui maintenant le connaît.

Dieu commença son action éducative avec Moïse, en l’appelant, en le faisant sortir de ce que l’occupait (famille, profession, lieux où il habitait) pour le charger d’un mission qu’il n’avait jamais imaginée : sauver le peuple que lui avait abandonnée en cherchant à se sauver lui-même. Pour Moïse, trouver un « nouveau » Dieu, ce fut comme trouver une nouvelle mission dans sa vie : il eut la rencontre avec Dieu au moment où il rencontra un plan de salut pour Israël.

Le Dieu de ton Père, « le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob » lui manifesta son nom (Ex 3,6.14-16), en se présentant comme le libérateur d’Israël, « le Dieu des Hébreux (Ex 3,18), un Dieu qui est là pour faire sortir d’Egypte les israélites » (Ex 3,11) : « Je suis venu pour vous voir, vous, et pour voir ce qui vous est fait, à vous, en Egypte. Et j’ai dit : Je vous ferai sortir de l’humiliation de l’Egypte » (Ex 3, 17). Dieu révèle son « nouveau » nom en révélant sa volonté de libérer Israël : Il est là Lui, pour sauver.

Moïse seul, qui connaît le nom de Dieu et son plan se présenter au pharaon et au peuple comme le représentant de Dieu (Ex 3,11-15). Pour sauver le peuple de Dieu, on doit connaître intimement Dieu, son « nom » et son « programme » ; et Dieu sera avec Moïse toujours, et seulement quand Moïse se dépense pour sauver le peuple (Ex 3,12).

Un œuvre si grande trouve, à coup sûr, opposition. La première, et plus sérieuse résistance naît dans le cœur du l’appelé : Dieu fait tout pour la réduire, avec autant de force que de tactique pédagogique. Si Moïse se dit incapable (Ex 3,11) : « qui suis-je, moi, pour aller chez le pharaon ? »), Dieu s’engage à ne pas le laisser seul (Ex 3,12 : « Je serai avec toi »). Si ce

Dieu est un inconnu (Ex 3,15 : « Mais on me dira : comment s’appelle-t’il ? Et moi que leur répondrai-je ? » ), Moïse pourra dire son véritable nom (Ex 3,14 : « Dieu dit à Moïse : Je suis Celui sui suis. Puis il dit : Tu diras aux Israélites : « Je-suis » m’a envoyé à vous »). Si Moïse craint de ne pas gagner la confiance du peuple (Ex 4,1 : « Ils ne me croiront pas, ils n’écouteront pas ma voie »), Dieu lui accordera des pouvoir prodigieuse (Ex 4,8 : « S’ils ne te croient pas et qu’ils n’écoutent pas ta voie du premier signe, ils croiront à la voie du second ) ». Si, dernière résistance, Moïse avoue ne pas savoir parler (Ex 4,10 : « Je ne suis pas un bon parleur, je ne l’ai jamais été avant et même pas depuis sue tu as commencé à parler »), Dieu, en plus de lui promettre d’être sa bouche (Ex 4,12), lui donne un frère (Ex 4,14 : « N’y a-t’il pas peut-être, ton frère Aaron ? Je sais que lui sait bien parler »). Et le premier ordre « Maintenant va », je serai ta bouche (Ex 4,12) se change en ces mots : « tu lui parleras et tu mettras sur sa bouche les paroles à dire…Il parlera, lui, au peuple à ta place » (Ex 4,15-16).

Etrange cet itinéraire éducatif qui commence par un Dieu qu’il faut écouter et qui finit par le frère qu’il faut laisser parler ! Quelle grande patience d’éducateur gaspilla avec son envoyé, le Dieu sauveur ! Le résultat est évident : avoir Dieu avec soi et avoir à sa disposition un frère font de Moïse le médiateur dont le peuple souffrant, avait besoin.

LE FAIT : UN DÉPART OBLIGÉ.

En imposant un exode, Dieu éduque son peuple et le fait passe de la servitude au service.

« Le Seigneur, dit le Dieu d’Israël :
Laisse partir mon peuple, pour qu’il me célèbre une fête dans le désert » (Ex 5,1)

Israël vécut la sortie d’Egypte comme une libération puisque, esclave, il était soumis à un injuste régime de travaux forcés. Et il comprit que réussir à s’en libérer était l’œuvre d’un Dieu « nouveau » : seul un tel Dieu pouvait s’opposer à la puissance militaire du pharaon et gagner : l’émancipation d’un groupe d’esclaves fut libération divine, naissance à la liberté d’Israël, un peuple qui connut un Dieu capable de le faire sortir d’Egypte, « maison de servitude…d’un main puissante (Ex 13,3).

2.1 Le projet initial de Dieu, trois journées de fête

Un nouveau Dieu se révèle en faisant connaître ses nouvelles – incroyable ! – prétentions : « J’ai observé la misère de mon peuple en Egypte…, je connais en effet ses souffrances. Je suis descendu pour le libérer de la main d’Egypte » (Ex 3,7-8). Ce Dieu commença ce grand projet de sauver Israël par une demande discrète, je dirais modeste ; il envoya Moïse et Aaron prier le pharaon de laisser partir Israël « pour un voyage de trois jours dans le désert et célébrer un sacrifice au Seigneur notre Dieu (Ex 5,3) ; il voulait libérer des esclaves pour être servi par eux.

Et, en effet, ce que Moïse et Aaron demandèrent en son Nom était seulement un bref temps de distraction, la suspension transitoire du travail imposé. En refusant de l’accorder, le pharaon déclara un long, et violent, processus de libération. Celui qui refuse de servir Dieu choisit de se servir du prochain ; celui qui favorise, au contraire, le libre service du Dieu qui aime la liberté, se sent engagé dans le mouvement de libération. Rejeter à Dieu un service qui se réalise dans le repos et la fête, porte atteinte à Dieu qui veut être fêté par des hommes libérés. Celui qui croit au Dieu de l’exode ne se sentira pas forcé, quand il travaille, et, quand il ne travaille pas, il se saura appelé à célébrer la liberté retrouvée ((Ex 5,1-9 ; 13,2).

Récupérer le goût pour la fête et le repos, même s’ils sont brefs, aide à se souvenir de Dieu et à faire sien son projet de salut. Ainsi naît une liturgie espace de liberté et stimulant de mouvements de libération renouvelés.

Depuis le début, Israël sauvait qu’il n’avait pas mérité la liberté reçue ; il connut cependant le motif de sa libération : servir Dieu (Ex 5,1). Justement parce que le dieu de l’exode aimait la fête, il libéra un peuple pour qu’il le fêtât. La liberté que Dieu nous accorde n’est donc, pas absolue ; elle a un objectif précis, le culte au Libérateur, la célébration festive de la liberté donnée. Par conséquent, si servir Dieu est possible seulement pour des hommes, pour des femmes libres, être et se sentir libres, est un devoir préalable pour faire fête. Le service de Dieu est authentique, s’il naît de la liberté vécue.

2.2 Les ‘raisons’ de Dieu : sa paternité

Pour légitimer son intervention en faveur d’un groupe d’esclaves, Dieu doit prendre une décision insolite : « il adopte Israël comme premier né et se présente comme son libérateur légal. Devenu ‘Père’ d’un peuple, il ne peut éviter de se venger de ses oppresseurs : « Israël est mon fils aîné. Je t’avais dit : laisse partir mon fils pour qu’il me serve !. Mais tu as refusé de le laisser partir. Voici je fais mourir ton fils premier-né » (Ex 4,22-23). Israël peut se sentir sûr de sa libération, parce que Dieu ne pouvait pas se libérer de ses responsabilités. Protégé en tant que fils, il se savait appelé à être libre.

Croire en Dieu Père alimenta en Israël son anxiété de liberté ; se savoir de la famille de Dieu le conduisit à exiger de laisser la « maison de l’esclavage ». Israël pensa toujours que sa liberté était un don accordé, et non pas le résultat d’efforts collectifs ; il naquit comme peuple libre quand il devint croyant ; et il reconnut que indépendance et souveraineté nationale restaient liées à sa fidélité à Dieu, au service de son Père.

C’est pourquoi, toujours celui qui voyait que autonomie et liberté étaient menacées, se sentait porté à confesser son péché ; croyant, Israël savait que désobéir à Dieu le laissait sans défense dans les mains de ses ennemis. Celui qui est né à l’histoire dans une rencontre avec Dieu, restera dans l’histoire, s’il ne perd pas Dieu. La foi au Dieu de l’exode obligea Israël à toujours affronter son histoire avec son Dieu et Père.

2.3 Un projet mal compris et combattu

Libérer Israël ne fut pas facile, même pas pour Dieu. L’opposition rencontrée l’obligea à réaffirmer plusieurs fois et, parfois avec violence, sa volonté : il se prononça continuellement en faveur d’un salut désiré par peu du monde, par quelques uns même.

La premier, et la plus obstinée, resistance Dieu le trouva dans le pouvoir politique, pharaon reconnut à des magicien et à des prophètes pour mettre en danger, au début et à la fin, le projet libérateur de Dieu. Et pour réussir, Dieu lutta « corps à corps » (3) . Et il semble

(3) Cette lutte sans quartier est racontée dans le récit de dix plaies (Ex 7,8-10,29) chronique folklorique que décrit en détail l’opposition tenace et ingénieuse du pouvoir politique ennemi de la liberté humaine et du culte divin. La résistance à la liberté, au « laisser sortir » du pouvoir et du savoir humain, se basait dans la compréhension de la libération voulu par Dieu comme une négociation inutile et improductive et dans la négation de reconnaître un Dieu engagé dans la lutte contre l’esclavage.
étrange que Dieu lui-même comptant avec l’opposition, ils l’avait même augmentée en endurcissant le cœur du pharaon (Ex 4,21) ; même s’il y avait de bonnes raisons ‘politique’ (Ex 1,10-11) et économiques (Ex 5, 12-19), l’hostilité avant été prévue, voulue même, par Dieu (Ex 7,3-4 ; 9,12 ; 10,1.20.27 ; 11,10 ; 14,4.17) : son plan était politiquement incorrect (libérer un groupe d’esclaves), un désastre économique (accorder des jours de distraction, des travailleurs forcés) et pas à conseiller du point de vue religieux (célébrer un Dieu, pas encore
(re)connu), Dieu ne d’effraya pas ; il était plus intéressé à recevoir un culte qu’à maintenir des esclaves : il préféra le service sans le désert d’hommes libres (Ex 3,12) plutôt que d’entendre le cri et de voir l’opposition de son peuple (Ex 3,7.9).

Le Dieu de nos pères (Ex 3,6) est un Dieu qui, en célébrant des esclaves, se fit connaître, un Dieu qui, en introduisant dans l’histoire humaine un groupe d’hommes libres, s’offrit comme leur Dieu. Notre Dieu est un Dieu qui a besoin d’hommes libres pour faire d’eux des croyants fidèles. Avoir l’expérience du Dieu de l’exode exige, au préalable, des homme qui aiment la liberté qui leur a été accordée, des hommes qui ne supportent pas la privation des liberté d’autrui : le Dieu de l’exode ne se laisse fêtes que par des hommes libres. Il rencontrera ce Dieu celui qui « sort » de l’Egypte, « maison d’esclavage », et qui inaugura une liberté en célébrant ce Dieu. Liberté engagée pour servir Dieu ce fut la première étape de la pédagogie du Dieu de l’exode.

LE COMMENT : UN DÉSERT INATTENDU

En l’introduisant dans le désert, Dieu éduque son peuple et le fait passer de la solitude à l’alliance.

Dans l’exode, le projet historique de salut biblique, le désert est une étape, imprévue mais nécessaire, de la pédagogie divine. Dieu qui se mit à sauver en faisant sortir d’Egypte des foules d’esclave en leur promettant la liberté et une terre où ils pourrons la vivre (Ex 3,8), leur
impose en long et difficile cheminement dans le désert, terre n’appartenant à personne (Ex 13,17), comme chemin progressif vers la libération totale.

Que la chronique de ce cheminement dans le désert occupe la partie plus grande – et centrale – du Pentateuque (depuis Ex 18,1 jusqu’à Nb 10,28) est la preuve de son importance dans le programme éducatif de Dieu : Israël apprit que là où personne ne peut survivre, seul Dieu s’arrange pour sauver. Israël devra cheminer pendant bien quarante ans, en apprenant à marcher auprès du Dieu qui le libéra (Ex 13, 21-22) jusqu’à faire la rencontre de Dieu son allié (Ex 19-34) .

3.1 Une décision stratégique de Dieu

Ceux qui sortirent de l’Egypte n’entrèrent pas aussitôt, comme ils le pensaient et comme il leur avait été promis, dans un « pays beau et vaste…où coulent le lait et le miel » (Ex 3,8). La prodigieuse libération ne fut pas suivie du don immédiat u terres où vivre en liberté ; Israël commença à vivre libre dans un désert inhabitable (Ex 13,17-18,20).

Entrer dans le désert ne fut ni un caprice de Dieu ni une erreur humaine, mais un décision de Dieu bien pensée (Ex 13, 17-18), même si elle était imprévue et pas voulue par Israël (Ex 14, 11-12). Dans le programme de Dieu, le désert était lieu et temps de salut, même si, en réalité, il renvoyait à plus tard son plein achèvement. Errer avec direction inconnue dans une terre.

inhabitée fut un temps pour la tentation et la grâce, lieu d’épreuve et de rencontre avec Dieu.
Dieu recourut au désert comme option pédagogique ; il y introduisit un groupe d’hommes pas encore habitués à la liberté et, après de longs parcours et de continuelles contestations, il fit sortir de ce groupe un peuple, constitué en nation et son ferme allié. Sans le désert, Israël n’aurait pas juré alliance avec son Dieu et ne l’aurait pas accepté comme compagnon de route.

Dieu, quand il sauve, impose toujours le désert, s’il retarde sans date fixe la promesse faite, s’il laisse les siens seuls et sans défense devant l’ennemi, s’il fait marcher en une terre n’appartenant à personne avec personne comme ami. Celui qui l’oublie au s’y oppose, perd la possibilité, une fois libéré, de devenir croyant et l’allié de Dieu.

3.2 Temps – pour Dieu et pour les siens – de prouver leur propre fidélité

Israël vécut si longtemps perdu dans le désert pour avoir mis Dieu à l’épreuve « déjà dix fois et ils n’ont pas obéi à sa [ma] voix (Nb 13,22-23) . L’épisode de dix explorateurs explique comment Dieu se vit obligé de faire mourir dans le désert la génération qu’Il fit sortir d’Egypte tandis qu’il séparait en deux la mer et d’attendre que ceux qui étaient nés dans le désert deviennent adultes et meilleurs croyants.

Aussitôt après avoir su que la terre où ils allaient était habitée, ils comprirent qu’ils devaient lutter, et qui sait, mourir, pour la conquérir : les libérés d’Egypte se sentirent trompés ; ils murmurèrent contre Dieu qui avait promis un terre gratuitement. Dans le péché il y aura le châtiment : puisqu’ils ne voulurent pas entrer dans une terre qu’ils devaient gagner par la force, ils ne sortiront pas du désert ; ils eurent peur de voir la terre promise parce qu’elle était habitée, ils ne verront que le désert, terre inhabitable.

Entre temps, Dieu s’accorde un temps pour se préparer un peuple qui fasse confiance en Lui et en ses promesses et marche selon sa volonté. Tandis que Israël devra apprendre que Dieu , malgré tout, ne l’abandonnera pas : en forme de nuage obscur (Ex 13,21-22 ; 14,19-24 33,9-11 ; Nb 11,25 ; 14,14) ou comme colonne de feu (Ex 13,21-22 ; 19,18 ; 40,34-38 ; Nb 9,15-23 ; 10,11-12), il marchera à leur tête, en marchant avec eux et montrant le chemin. De jour, colonne de nuée, de nuit, colonne de feu, Dieu prouve sa proximité et, cependant, sa séparation : il accompagne son peuple sans violence, en favorisant toujours la foi et en laissant des espaces pour la liberté. Israël, par conséquent, devra décider toujours, sans abdiquer ses responsabilités et avec le risque de se tromper ; il se sentira guidé par Dieu, mais il se saur pas obligé à le suivre. Ardu fut le temps au désert, indispensable pour s’éduquer dans la liberté.

Avoir Dieu à l’avant-garde n’épargna pas à Israël les fatigues du chemin, la peur de se tromper et sa propre responsabilité et, en effet, il succomba à la tentation de se faire un dieu à sa mesure, en fabriquant un animal précieux et imposant, « un dieu qui marche à notre tête » (Ex 32, 1.23) ; «  ils échangèrent leur gloire avec la figure d’un taureau qui mange du foin » (Ps 106,20). Quel autre dieu pouvait désirer pour lui un peuple épuisé de tant marcher ? Mais un dieu imaginé selon la nécessité du croyant, un dieu dont on dispose à volonté n’est pas libérateur et il devient une charge pesante ; comme ensuite le prophète dira avec ironie, le dieu « travail d’artiste et de la main d’orfèvre », ne sait pas parler et il « faut le porter pace qu’il ne marche pas » (Jér 10,5)

Éduquer le peuple qu’il s’était choisi comme fils coûta beaucoup à Dieu ; le désert fut pour Lui le lieu de l’amertume, de l’épreuve, des provocations (Ex 17,1-17 ; Ps 81,8 ; 95,8) qui le rendirent « jalouse » (Ps 78,58) ; Dans le désert Dieu devint plus sensible aux critiques d’Israël, parce qu’Il restait plus proche, parce qu’Il l’avait désaltéré et rassasié, parce qu’Il le guidait jour et nuit. Pour arriver à avoir un peuple fidèle, Dieu eut beaucoup à souffrir d’insolences et de fautes grossières, jusqu’au point de penser, affligé, à exterminer le peuple à la tête si dure (Ex 32,2-10). Heureusement que ce jour-là Il avait près de Lui Moïse, le médiateur qui s’appuyant sur l’honneur du Dieu déshonoré et sur sa fidélité aux promesses le convainquit et « le Seigneur abandonna la résolution de nuire à son peuple » (Ex 32,14)

3.3 Avec un unique objectif, récupérer son peuple

Comme le découvrira Israël, après un long vagabondage dans le désert, son Libérateur avant un plan bien précis dès le début : le parcours qu’il commença comme un pèlerinage de trois jours pour offrir des sacrifices (Ex 5,3) finit par la ratification d’une alliance perpétuelle (Ex 24,8). Dans le désert, Israël trouva un Dieu qui désirait se lier à lui pour un pacte légal et il s’obligea à observer des lois librement assumées (Ex 34, 10-27) ; Devenir l’allié de Dieu fut la dernière, la définitive expérience que vécut le peuple qui marcha pendant quarante ans dans le désert.

Au Sinaï, Israël se voulut allié du Dieu qui l’avait libéré de l’Egypte en l’adoptant comme fils premier-né (Ex 4,22) et il sut qu’il ses devait, en exclusivité totale, à un Dieu aimant et jalouse (Ex 20,5 ; 34,14). Certes, l’excessive prédilection fera en sorte que ce Dieu jalouse se convertisse en compagnon difficile et intolérant, qui réagira avec violence et passion quand il se sent trahi dans son amour. Israël se rendit compte que ce Dieu lui était nécessaire pour survivre (Nb 14, 40-45), qu’Il le précédait, qu’Il combattait pour lui, qu’il le portait et le soutenait « comme un Père porte son propre fils » (Dt 2,7 ; 8,2), qu’Il ne cessa de le suivre et resta avec lui « en ces quarante ans et rien ne lui manqua (Dt 2,7,8,2). Plus encore, tandis qu’i marchait avec Lui, coude à coude, Israël comprit que Dieu voulait être suivi et obéi (Dt 13,5) et que s’éloigner de Lui - ou seulement l’oublies – serai sa perte (Dt 7,4 ; 8,14).

Ainsi, dominé par ce Dieu, Israël devint l’allié de son Libérateur et prit conscience de sa propre singularité en face des autres peuples : « vous serez pour moi la propriété » parmi tous les peuples (Ex 19,5) : avec aucune autre nation, Dieu ne s’était comporté ainsi. Israël, libéré de l’Egypte et libre après une difficile pédagogie, devient à la fin le peuple choisi, royaume de prêtres, nation sainte (Ex 19,6) ; le long et pénible processus de libération – et l’effort éducatif de Dieu – était arrivé à la fin. Au Sinaï, libres et amis, il commenceront ensemble, Israël et Dieu, le dernier voyage avec la volonté de Dieu acceptée (Ex 19,8 : « Ce que Dieu a dit, nous le ferons ! »). Le séjour au désert même s’il était imprévue et jamais complètement voulu, avait fait le miracle de convertir une bande désorganisée d’affranchis en un peuple qui se sentait choisi par Dieu. Voilà le succès de la pédagogie divine !

LE BUT : UNE TERRE À SOI POUR VIVRE EN LIBERTÉ

En obligeant à la conquérir, Dieu éduque son peuple à recevoir le don comme devoir.

« Voici, J’ai placé le pays devant vous ;
entrez, prenez en possession le pays que j’ai juré de donner à vos pères » (Dt 1,8)

Sortir d’Egypte aurait été en échec manifeste et stupide s’il s’était terminé en un séjour permanent au désert : sans une terre propre où pouvoir vivre comme un peuple libre, l’exode n’aurait pas été un véritable salut ; Canaan réalisait la promesse et donnait un caractère concret au salut.

La terre promise donc, était, partie intégrante du projet de salut de Dieu, la contrepartie de l’Egypte ; entrer dans la terre des Cananéens termina le cycle des interventions devines commencées par la sortie d’Abraham de la terre (Dt 26, 5-9) : à Canaan le peuple de Dieu trouva, finalement, un lieu où habiter et un espace pour le repos.

4.1 Don renvoyé, mais splendide : une terre « bonne » et un « nouveau Dieu »

Tous ceux qui sortirent du désert et entrèrent dans la fertile terre de Canaan touchèrent – mieux vaut dire foulèrent au pieds – leur salut. Israël savait qu’il n’était pas fils, ni propriétaire naturel, de ces terres qu’il allait prendre : il s’empara de « villes grandes et belles qu’il n’avait pas bâtis, de maison pleines de tous biens, qu’il n’avait pas remplies, de citernes qu’il n’avait, pas creuses lui-même, de vignes et d’oliveraies qu’il n’avait pas plantés (Dt 6,11) et il avoua toujours qu’elles lui avaient été promises et accordées par Dieu .

L’établissement à Cana ne fut pas, seulement, conséquence d’occupation, par conquête militaire ou infiltration pacifique, mais ce fut surtout une légitime appropriation de ce que Dieu lui avait accordé. Son Dieu ne s’était pas contenté de donner la liberté au peuple, il lui donna un terre pour garantir l’exercice de la liberté accordée. Dieu permet à Israël de s’établir dans le pays qui était sa possession (Js 22,19) : il avait d’abord choisi un peuple comme fils, il devait maintenant lui procurait un lieu où demeurer (Ex 15,17) ; Israël, la nation et la terra, était et restait l’héritage de Dieu.

Avec la terre donnée Israël recevait, en plus, une nouvelle révélation de Dieu. Il apprit que le Dieu Libérateur en Egypte, le Dieu compagnon et allié dans le désert était aussi le Dieu de la terre : appartenir à ce Dieu comprenait « avoir part avec le Seigneur » (Js 22,25 ; cf Ps 16,5). Par conséquent, personne en Israël n’était propriétaires d’une terre qui était, en exclusivité, à Dieu ; auprès de Lui tous, tout an plus, étaient des « étrangers et de locataires » (Lv 25,23). Les terres n’avaient pas été données en propriété mais elles avaient été prêtés pour leur exploitations ; les limites des lots de terrain prêtés restaient intouchables, parce que établies par Dieu. Vivre au dehors, « loin de l’héritage du Seigneur » impliquait « loin du visage du Seigneur » (1 Sam 26,20) ; l’habiter obligeait à obéir au Seigneur (Jr 2,7 ; 16,18) : la désobéissance se paie par l’exil (Ez 36,5 ; Os 9,3). Dans la compréhension de Canaan comme héritage de Dieu était implicite une nouvelle image de Dieu : le Dieu qui demeure en une terre, dont il est le maître (Js 22,19), au milieu de son peuple (Nb 35,34 ; Dans la terre de Canaan, Dieu devient un Dieu sédentaire, à peine son peuple s’y est-il établi.

Et puisque la terre a été donnée, la posséder est toujours une grâce. Sans la terre donnée, on ne vit pas comme chacun le voudrait, mais comme Dieu, son Seigneur, le désire. La libéralité de Dieu oblige Israël à vivre sur cette terre avec générosité : ce qu’il avait obtenue comme présent immérité, il ne pouvait l’exploiter de façon irréfléchie. A Canaan Israël devint, comme Adam en Eden, avant de pécher (Gn 1,29), lieu-tenant de Dieu. Dans la pensée de Dieu les lois se référant à la culture de la terre avaient pour finalité de maintenir le peuple, de génération en génération, reconnaissant pour Dieu et respectueux pour la terre.

Ainsi Dieu soumettait Israël à la pédagogie de don : en évitant qu’il crût être seigneur unique de la terre, Dieu le format à vivre dépendant de Lui et mettant à la disposition des autres ce qu’il avait reçu comme cadeau ; Celui qui avait tant reçu de Dieu, était obligé de réserver quelque chose pour Lui et pour son prochain : un Dieu qui partage son héritage n’accepte pas de petits possesseurs. Les lois des prémices (Ex 23,19 ; 34,26 ; Lv : 9,23-24 ; 23,10) celles des dîmes, les lois annuelles et triennales (Ex 22,28 ; Nm 18,21-22 ; Dt 14,22), la loi de l’interruption de la culture de la terre tous les sept ans (Ex 23,10-12) et, même, l’interdiction de ramasser ce qui reste après avoir glané les moisson ou de cueillir les grappillons (Lv 19,9-12 ; 23,22) ne son que des corollaires de la foi d’Israël en un Dieu unique propriétaire de la terre qu’il habitait.

Et puisque la terre était un don d’un Dieu allié, elle ne pouvait été que la meilleure terre possible, terre « bonne » (Ex 3,8 ; Nb 14,7 ; Jue 18,9 ; Dt 1,25). Obtenue sans fatigue (Js 24,13), Israël s’enthousiasmait avec elle parce que Dieu ne l’a pas déçu : c’est une terre qui donne lait et miel (Nm 13,27 ; Dt 6,3 ; 11,9 ; 26,9-15 ; 27,3 ; Jr 11,5 ; 32,22). En net contraste avec la monotone aridité du désert, la terre promise rappelle le paradis perdu : comme en ce lieu les eaux abondent (Dt 8,7-20 ; 11,10-15), preuve de la protection devine. De plus, au Canaan c’est Dieu en personne qui s’occupe de la pluie périodique : une terre qui boit l’eau du ciel est, en toute certitude, de la terre des bénédictions de Dieu. Israël connut, finalement, la joie de compter sur Dieu, tandis qu’il exploitait sa terre.

4.2 Une liberté donnée qu’oblige à vivre en liberté

Le salut accordé par Dieu n’est pas seulement un don gratuit ; c’est, surtout, un programme à réaliser : au don de la liberté suit, de toute nécessité, la liberté comme devoir. Durant tout le processus de libération, Dieu fit, de tout pour le peuple, parfois même, contre lui ; à l’étape finale, l’installation à Canaan, rien ne sera réalisé sans Israël, né à la liberté presque sans la vouloir, il devra rester en liberté pour rester en vie.

S’établir en terre nouvelle causa de nouveau problèmes. Il y avait le danger d’assimiler des formes culturelles et religieuses, plus développées et en apparence plus efficaces, mieux adaptées aux nouvelles nécessités. Pour des peuples d’agriculteurs, la terre cultivable était l’évidente médiation avec les divinités. Israël, au contraire, peuple nomade, sentit bientôt la séduction de la religion cananéenne, qui semblait mieux assurer la subsistance dans ces terres.

L’installation à Canaan provoqua aussi de changements radicaux dans les normes de comportement social. Israël prit l’organisation juridique des peuples environnants, sans renoncer à la baser sur la volonté positive de son Dieu. C’est pourquoi, le droit israélite se caractérisa pour un fort sens moral, la proportionnalité entre transgression et châtiment et une préoccupation préférentielle pour les couches sociales les plus faibles. Croire en un Dieu libérateur fut la base des libertés sociales : ceux qui croyaient avoir été rachetés de l’esclavage ne pouvaient pas retourner à avoir de nouveau maîtres (1 Sam 13,8-15 ; 15,10-30 ; 2Sam 12,1-2 ; 1 Re 11,31-39 ; 21,17-24), ils ne pouvaient pas disposer d’esclaves à perpétuité (Ex 21-23 ; Dt 15,12-18 ; Lv 25,39-43). Se Dieu qui avait sauvé un peuple e, le libérant de l’esclavage forcé avait besoin d’hommes libres pour être célébré comme Libérateur. Israël, qui avait rencontré Dieu tandis qu’il sortait de la maison de l’esclavage, ne pouvait pas mettre de limites à la liberté des autres : pour tous les deux, pour Dieu et pour Israël la liberté était inaliénable.

4.3 Le repos et la fête, but de la libération

Apres avoir conquis la terre promise, Israël trouva, finalement, un lieu pour e reposer et une raison pour la fête commune. Entrer dans la terre promise arrêta les pieds fatigués et à la
fatigue suivit le soulagement ; Israël put manger et boire « allégrement » (1 R 4,20) : la salut de Dieu de l’exode eut comme ligne d’arrivée, véritable but du « processus éducatif », la concession d’une terre où le repos ne serait pas négligé et l’oisiveté favorisant le culte et la joie.

Posséder une terre propre rendit le repos possible. Dans la terre donnée on pouvait vivre en toute tranquillité et calme, « chacun sous sa propre vigne et son propre figuier » (1 R 5,5) . Dieu s’occupait personnellement des frontières (Ez 36,5 ; Ps 123) et il avait assuré à Israël un repos définitif ( 1 R 8,56). Dieu s’étant arrêté au milieu de son peuple, sans le temple de Jérusalem, Israël se sentira assuré de ne pas retoruner à d’antiques esclavages à de nouvelles fatigues. Ce sera Dieu qui gardera et construira son peuple, les frontières et les maisons : inutile de monter la garde jusqu’à l’aurore et d’aller se reposer tard (Ps 127,2) . Israël surmonta la peur du futur non pas parce qu’il savait pouvoir le dominer, mais parce qu’il était sûr de ne pas l’affronter tout seul. Celui qui entra dans le lieu du repos de Dieu (Ps 95,11) se libère des préoccupations et étant libre il se met à aller selon les voies du Seigneur. Même le sommeil, était du repos gratifiant et absence d’appréhensions, se transforme en présent – comme le pain – pour les amis du Seigneur (Ps 127, 3).

Reposer dans la terre promise était si important pour le Dieu libérateur d’esclaves, qu’il ordonna à Israël d’observer le sabbat (Ex 23,12 ; 2 R 4,23 ; Is 1,13 ; Os 2,13) : le peuple devra se reposer pour pouvoir confesser que le travail n’est pas un imposition violente (Dt 5,14-15). Le Dieu de l’exode libère ses fidèles de l’abus anxieux du temps, de l’angoisse pour profiter du temps ; avoir des temps libres pour se souvenir d’un temps passé avec Dieu, en renonçant à la production compulsive et à l’anxiété du gain, réconcilié le croyant avec lui-même et avec son prochain.

En obligeant le repos et en ordonnant le culte, Dieu a éduqué son peuple à la gratuité : vivre de ce qu’on a reçu, sans travailler beaucoup, ni se fatiguer pour avoir davantage, c’est là le but de la pédagogie de Dieu de l’exode, d’un Dieu qui pensa à une libération de trois jours (Ex 5,3) et, qui n’ayant pas réussi, imposa une rédemption définitive et donna un terre pour la célébrer.

II.ÉDUQUER AUJOURD’HUI,
REALISATION DIVINE

« La pédagogie de Don Bosco – a écrit un expert – s’identifier avec toute son action ; et toute l’action avec sa personnalité ; et tout Don Bosco est condensé, en définitive dans son cœur » (4). Le système éducatif de Don Bosco ses options et sa méthodologie – est donc la révélation de son être plus intime et la concrétisation de sa façon d’agir, en tant que prêtre, pour les jeunes. Comme Dieu avec Israël, comme Jésus avec ses disciples, je me hasarderais à dire, Don Bosco sauva la jeunesse en l’éduquant.

L’éducateur sauve si, comme Dieu, il observe la misère des siens, s’il se laisse émouvoir par leur souffrance (Ex 3,7-9a) et s’il conçoit un plan précis d’interventions (Ex 3,9b-4,17). Il s’identifie avec lui-même (Ex 3,14-15 : « Tu diras aux Israélites :’Je suis’ m’a envoyé à vous…le Seigneur de vos pères…C’est là mon nom ; c’est là le litre par lequel je serai rappelé de générations en génération »), en identifiant qui et comment sauver « en éduquant » (par ex

P.BRAIDO, Prévenir pas réprimer. Le système éducatif de Do Bosco, LQS, Rome 1999, 181.

Ex 3,16-18). En connaissant – il a vu et ressenti – la douleur d’un peuple, il ne peut rester inactif. A l’origine de l’action éducative divine il a donc la compassion devant une situation de misère : Dieu se fait connaître parce que et quand il donne à connaître son salut.

Celui qui doit éduquer le peuple de Dieu, devra d’abord se laisser éduquer par Dieu. Celui qui éduque au nom de Dieu, doit bien connaître Dieu et ses plans : sans une rencontre personnelle – révélation divine – l’éducation du peuple ne deviendra pas salut de Dieu. Unique médiateur, l’éducateur reçoit un frère comme appui et comme dépassement de ses propres déficiences : l’éducation qui sauve est toujours un engagement commun.

L’éducateur sauve en imposant des ruptures. A l’origine de l’action éducative de Dieu, il y eut son cœur compatissant ; il se manifesta en personne seulement après avoir observé la situation misérable du peuple et entendu ses cris. Une véritable éducation est peu croyable, sans compassion.

Dieu commence son salut par une demande discrète, dirai modeste, de libération partielle, trois jours de célébrations pour engager au goût pour la fête et le repos chez son peuple, à la joie de libre service. Semblable projet rencontra résistance et incompréhensions : pour rendre son action légitime, le Dieu « éducateur » prend la parte de celui sui souffre et devient son Père. L’éducation divine est compétence de pères, compatissante.

Dans l’histoire d’Israël, type et figure de l’Eglise, il résulte évident qu’aucun situation humain ne peut pas devenir motif et moyen d’un rencontre avec Dieu : une terre étrangère, comme l’Egypte, où l’unique occupation était le travail forcé, peut conduire à la découverte de Dieu libérateur ; dans un désert, terre n’appartenant à personne, où l’existence est menacée en permanence, on vécut l’expérience d’un Dieu compagnon infatigable et fidèle allié ; une nouvelle terre, porta à rencontrer un Dieu Seigneur unique de la terre et ami de la fête. Israël ne doit pas « sortir de son histoire – fuir la réalité, même si elle était calamiteuse – pour trouver Dieu ; mais il dut sortir continuellement de lui-même pour accueillir Dieu, quand – et comme – il se manifestait. Le Dieu qui vit pour sauver ne sauve pas sans « faire sortir », sans éduquer.

Le travail éducatif demanda du temps et des épreuves : sortir d’une situation pas bonne, ne signifie pas entrer dans une situation meilleure ; libération n’est pas encore liberté. Il faut des parcours imprévus que, en bon éducateur, accompagne toujours jusqu’à s’imposer comme allié sûr. Celui qui est éduqué a besoin du temps longs pour devenir libre, en s’appropriant de la libération accordée.

Celui qui a été libéré de l’esclavage ou terre étrangère ne peut pas ensuite favoriser l’esclavage d’autrui sur sa propre terre. Celui qui est bien élevé se fait éducateur, libérateur. Le but de l’éducation divin est le repos festif et la gratuité dans le rapport avec les autres.

Rome, 11 novembre 2007

(3) Cette lutte sans quartier est racontée dans le récit des dix plaies ((Ex 7,8-10,29), chronique folklorique qui décrit en détail l’opposition tenace et ingénieuses du pouvoir politique ennemi de la liberté humaine et du culte divin. La résistance à la liberté, au « laisser sortir », du pouvoir et du savoir humain, se basait dans la compréhension de la libération voulu par Dieu comme une négociation inutile et improductive et dans la négation de reconnaître un Dieu engagé dans la lutte contre l’esclavage

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