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" ÉDUQUONS AVEC LE COEUR
DE DON BOSCO"

Rome-Salesianum, le 18 janvier 2008

Chers frères et soeurs, membres de la Famille Salésienne, amis participants aux Journées de Spiritualité de la Famille Salésienne:

Je suis heureux de pouvoir partager avec vous quelques réflexions sur l'éducation salésienne, conscient que, comme Jean Paul II l’écrivait le 31 janvier 1988, "la situation des jeunes dans le monde d'aujourd'hui a beaucoup changé et qu’elle présente des conditions et des aspects multiformes. Les éducateurs et les pasteurs le savent bien. Pourtant, demeurent aujourd'hui encore, les mêmes questions que Don Bosco se posait dès le début de son ministère. Il voulait les comprendre et était déterminé à agir en conséquence. Qui sont les jeunes? Qu'est-ce qu'ils veulent? A quoi tendent-ils ? De quoi ont-ils besoin?" (Juvenum Patris,6).

1. DON BOSCO UN SAINT ÉDUCATEUR

Parler d'éducation salésienne me porte certes, à parler avant tout de Don Bosco, qui "réalise sa sainteté personnelle par l'engagement éducatif vécu avec zèle et coeur apostolique, et qui sait proposer, en même temps, la sainteté comme finalité concrète de sa pédagogie", JP 5.

Don Bosco atteint la sainteté en étant un éducateur saint. Pie XI n'hésita pas à le définir "educator princeps".

Une heureuse alchimie de capacités personnelles et d’événements conduisirent Don Bosco à devenir Père, Maître et Ami de la jeunesse comme l’a voulu proclamer Jean Paul II: son talent inné pour approcher les jeunes et gagner leur confiance, le ministère sacerdotal qui lui donna une connaissance profonde du coeur humain et une expérience de l'efficacité de la grâce dans le développement du jeune et un génie pratique capable de réaliser ses premières inspirations jusqu’à leur plein développement.

À la racine de tout, il y a cependant une vocation: pour Don Bosco, le service aux jeunes fut une réponse généreuse à un appel du Seigneur. La fusion entre sainteté et éducation, dans tout ce qui concerne l’engagement, l’ascèse, l’expression de l'amour, constitue le trait original de sa personnalité. C'est un saint éducateur et un éducateur saint.

De cette fusion naquit un "système", c'est-à-dire un ensemble d'intuitions et de pratiques qui peut être exposé dans un traité, raconté dans un film, chanté dans un poème ou représenté en une pièce musicale : il s’agit, en effet, d'une aventure passionnante qui a engagé les collaborateurs et qui a fait rêver les jeunes.

Assumé par ses disciples, pour qui l’éducation est aussi une vocation, il a été importé dans une grande variété de contextes culturels et traduit en différentes propositions éducatives, selon la situation des jeunes qui en étaient destinataires.

Quand nous revisitons l'histoire personnelle de Don Bosco ou l'histoire de l’une des oeuvres qui se réfèrent à Lui, surgit presque spontanément la question. Et aujourd'hui?

Combien de ses intuitions sont-elles encore valables ? Combien de ses pratiques qu’il a mises en oeuvre peuvent-elles aider à résoudre les difficultés qui sont pour nous insurmontables : le dialogue entre générations, la possibilité de communiquer des valeurs, de transmettre une vision de la réalité, et d’autres semblables ?

Je ne m'arrête même pas à énumérer les différences qui existent entre le temps de Don Bosco et le nôtre. Il y en a dans tous les domaines, et certainement pas des moindres: dans la condition des jeunes, dans la famille, dans les coutumes, dans la manière de penser l'éducation, dans la vie sociale, et même dans la pratique religieuse. Il est déjà très difficile de comprendre une expérience du passé en vue de la reconstruire avec fidélité, seulement pour l’histoire, mais il est beaucoup plus difficile de vouloir la retraduire en pratique dans un contexte radicalement différent.

Pourtant nous avons la conviction "que ce qui est arrivé avec Don Bosco est un moment de grâce, plein de virtualité; qu’il contient des inspirations que parents et éducateurs peuvent interpréter dans le temps présent ; qu'il porte des idées riches en floraison, comme des bourgeons qui attendent d'éclore."

L'éducation, surtout des jeunes défavorisés, plutôt qu’un travail de bureau est une question de vocation. Don Bosco fut un charismatique, un pionnier. Il passa outre les lois et les pratiques. Il créa ce qui est lié à son nom, poussé par un sens social remarquable, mais à travers une initiative autonome. Et sans doute, l'exigence ne peut pas être différente aujourd'hui : faire fructifier les énergies disponibles, favoriser et soutenir des vocations et des projets de service.

L'efficacité de l'éducation réside dans sa qualité, à commencer par celle de l'éducateur, du climat éducatif, du programme et de l’expérience éducative. La complexité de la société, la multiplicité des images et des messages qui sont offertes, la séparation des différents domaines dans laquelle se déroule la vie, comportent des tendances et des risques pour l'éducation. Le premier est la rupture entre ce que l’on offre et la manière avec lequel il est reçu. Un autre risque est la sélection selon les préférences personnelles: le subjectivisme. L'optionnel est passé du marché à la vie. Tout le monde connaît les polarités difficiles à concilier: profit individuel et solidarité, amour et sexualité, vision temporelle et sens de Dieu, inondation d’informations et difficulté d'évaluation, droits et devoirs, liberté et conscience. Évidemment la grâce d'unité dans le coeur de l'éducateur et sa propre sainteté contribuent grandement à dépasser ces tensions et d’autres qui sont présentes dans le champ éducatif.

2. L'EXPÉRIENCE SPIRITUELLE/EDUCATIVE DE DON BOSCO

Pour Don Bosco, éduquer comporte un ensemble de procédés, fondés sur des convictions de raison et de foi, qui guident l'action pédagogique. Au centre de sa vision réside la "charité pastorale". Elle incite à aimer le jeune, quel que soit l'état dans lequel il se trouve, pour le porter à la plénitude d'humanité qui s'est révélée en Christ, pour lui donner la conscience et la possibilité de vivre en citoyen honnête et comme fils de Dieu (Juvenum Patris, 9).

Un des critères de Don Bosco fut de développer tout ce que le jeune porte en lui comme force ou comme désir positif, en le mettant aussi en contact avec un patrimoine culturel fait de visions, de coutumes, de croyances; de lui offrir la possibilité d'une expérience profonde de foi; de l'insérer dans une réalité sociale dont il se sent partie prenante et utile par le travail, la coresponsabilité du bien commun, l'engagement pour une vie en commun sereine.

Il exprima ceci dans des formules simples, que les jeunes pouvaient comprendre et adopter: bons chrétiens et honnêtes citoyens, sagesse, santé et sainteté, raison et foi. Pour ne pas tomber dans le maximalisme utopique, il commençait par là où c’était possible, selon les conditions du jeune et les possibilités de l'éducateur. Dans son oratoire on jouait, on était accueilli, on créait des relations; on recevait l’instruction religieuse, on apprenait à lire et à écrire, on apprenait à travailler, on donnait des règles de comportement civil, on réfléchissait sur le droit qui réglait le travail artisanal et on tâchait de l'améliorer.

Aujourd'hui il arrive d’avoir un enseignement qui ne tient pas compte des problèmes de la vie. C'est une plainte récurrente des jeunes ! Il arrive aussi d’avoir une préparation professionnelle qui n'assume pas la dimension éthique ou culturelle. Et il arrive aussi de donner une éducation humaine close sur l'immédiat, qui ne va pas au fond des questions de l'existence.

Si la vie et la société sont devenues complexes, le sujet qui n’est ouvert qu’à une seule dimension, qui n’a ni carte, ni boussole, est condamné à se perdre ou à devenir dépendant. La formation de l'esprit, de la conscience et du coeur est plus que jamais nécessaire.

Mais le punctum dolens de l'éducation aujourd'hui est la communication: entre les générations à cause de la vitesse des mutations, entre les personnes à cause du relâchement des relations, entre les institutions et leurs destinataires à cause de la façon de voir différemment les buts poursuivis par chacun. On dit que la communication est confuse, perturbée, exposée à l'ambiguïté par le bruit excessif, par la multiplicité des messages, par le manque d’harmonie entre émetteur et destinataire. Il en résulte l'incompréhension, le silence, l'écoute limitée et sélective – avec le zapping -, les pactes de non agression pour une plus grande tranquillité, le laisser tomber. C’est ainsi qu’il devient difficile de conseiller des attitudes, de recommander des comportements, de transmettre des valeurs.

Et ceci a beaucoup changé depuis les temps de Don Bosco. Et pourtant nous avons des consignes qui nous viennent de lui et qui, dans leur simplicité sont gagnantes, si l’on trouve la manière de les rendre opérationnelles. Une de ces consignes est: "aimez-les les jeunes." "On obtient davantage, (c’est le mot de Don Bosco), avec un regard d'affection, avec une parole d'encouragement qu'avec beaucoup de reproches."

Les aimer veut dire les accepter comme ils sont, passer du temps avec eux, manifester le désir et le plaisir de partager leurs goûts et leurs centres d’intérêt, témoigner de la confiance dans leurs capacités, et aussi tolérer ce qui est passager, occasionnel, pardonner silencieusement ce qui est involontaire, fruit de la spontanéité ou de l’immaturité.

Il y a un mot, pas très employé aujourd'hui, que les salésiens conservent jalousement, parce qu'il incarne "le coeur de Don Bosco", qui synthétise ce que Don Bosco a acquis et a conseillé dans la relation éducative: amorevolezza (tendresse, bienveillance). Sa source est la charité, comme le dit l'Évangile. C’est pourquoi l'éducateur perçoit le projet de Dieu dans la vie de chaque jeune, l'aide à en prendre conscience et à le réaliser avec le même amour, grand, large et libérant dont Dieu l'a conçu.

Ceci engendre une affection qui va être manifesté à la mesure du jeune, particulièrement du plus pauvre: c'est l'approche confiante, le premier pas et le premier mot, l'estime démontrée par des gestes compréhensibles, qui suscitent la confiance, donnent sécurité intérieure, suggèrent et soutiennent l'effort du dépassement et l'envie de s'engager.

Ainsi va mûrir, non sans difficulté, une relation à laquelle il faut prêter attention, quand on pense à une traduction des intuitions de Don Bosco à notre contexte. C’est une relation marquée par l'amitié qui grandit jusqu'à la paternité.

L'amitié grandit avec des gestes de familiarité et se nourrit d’eux. A son tour, il provoque la confidence: et la confidence est tout en éducation, parce que c’est seulement au moment où le jeune nous confie ses secrets qu’il est possible d'interagir, c’est seulement quand il nous ouvre la porte de son coeur que nous pouvons communiquer les valeurs, les sentiments nobles, les grands idéaux.

L'amitié a une manifestation très concrète: l'assistance. Il est inutile de vouloir ôter l’importance de l'assistance salésienne du sens que le dictionnaire ou le langage actuel donne à ce mot.

C’est un terme forgé à l'intérieur d'une expérience et riche de sens et d’applications originales: il comporte un désir de demeurer avec les jeunes: “Ici avec vous je me trouve bien”. Et en même temps, il signifie une présence physique là où les jeunes passent du temps ensemble, s’échangent entre eux ou font des projets. Il est une force morale capable de comprendre, d’encourager et de réveiller. Il est aussi orientation et conseil selon le besoin de chacun.

L'assistance atteint le niveau de la paternité éducative qui est plus que l'amitié. Elle est une responsabilité affectueuse qui a autorité et qui s’offre comme guide et comme enseignement vital et qui exige discipline et engagement. Elle est amour et autorité.

Elle se révèle surtout dans "le savoir parler au coeur" de manière personnelle, pour pouvoir aller à la source des problèmes qui occupent actuellement l'esprit des jeunes, et révéler la portée des événements en touchant la conscience en profondeur.

Ne pas parler beaucoup, mais directement; pas d’une manière agitée, mais clairement. Il y a dans la pédagogie de Don Bosco, deux exemples de ce parler: le mot du soir et le mot personnel qu’il laissait tomber à des moments informels, en récréation. Ce sont deux moments chargés d'émotivité, qui se réfèrent toujours à des événements concrets et immédiats et qui donnent une sagesse quotidienne pour les affronter: c’est-à-dire qu’ils aident à vivre et enseignent l'art de vivre.

Voilà pourquoi Don Bosco atteignit la sainteté personnelle en étant éducateur: Voilà pourquoi il réussit à éduquer des garçons saints comme Dominique Savio. Voilà pourquoi il y a un rapport entre sainteté et éducation. Voilà pourquoi pour l'éducateur le fait éducatif est une expérience spirituelle.

3. LE SYSTÈME PRÉVENTIF DE DON BOSCO

Jean Duvallet disait aux salésiens: "vous avez des oeuvres, des collèges, des maisons, mais vous avez seulement un trésor: la pédagogie de Don Bosco. Risquez tout le reste mais sauvez cette pédagogie… Le Seigneur vous a confié une pédagogie dans laquelle triomphe le respect du jeune, de sa grandeur et de sa faiblesse, de sa dignité de fils de Dieu. Conservez-la: rénovée, rajeunie, enrichie des découvertes modernes, adaptée à ces gosses matraqués par des drames tels que Don Bosco n’en a pas vus ». gosses matraqués par le vingtième siècle et par des drames tels que Don Bosco n'en a pas vus.  Mais gardez-la.

Quelle est l’originalité de ce système éducatif ? Jean Paul II nous a rappelé que la pratique éducative de saint Jean Bosco "représente, d'une certaine manière, le condensé de sa sagesse pédagogique et constitue le message prophétique, qu'il a laissé aux siens et à toute l'Église." Évangélisation et éducation agissent, à l'intérieur du Système Préventif, en réciprocité intime et harmonieuse. La pratique de Don Bosco est un art pédagogique pastoral. Il a traduit la charité ardente de son ministère sacerdotal en un projet concret d'éducation des jeunes dans la foi. La pédagogie est un art qui exige du talent, comme le disait ce "génie du coeur " que fut Don Bosco. Il ne s'agit pas de formules statiques ou magiques, mais d'un ensemble de conditions qui permettent à la personne de devenir capable de paternité et de maternité éducative. La première de ces conditions est celle de connaître son époque et de savoir s’adapter à elle. Ensuite viennent quelques caractéristiques, parmi lesquelles on peut en citer quelques-unes:

3.1 Créativité d'artiste pour conjuguer l’élan pastoral avec l'intelligence éducative, intimement unis entre eux par la grâce d'unité. Il s'agit d'un genre de passion apostolique qui est interpellée à cause de l’actuel climat de sécularisation (qui met fréquemment l’éducation elle-même au rang d’idéologie). Chez Don Bosco, le principe méthodologique qui le pousse à agir en véritable artiste est son attitude d’amorevolezza : construire la confiance, la familiarité et l’amitié au moyen de l'ascèse exigeante de "se faire aimer." Le système préventif a beaucoup de charismatique et donc d’"appel à la vocation" et il comporte la mystique de la charité pastorale, (“la passion du Da mihi animas”)  et l’ascèse de "se faire aimer" (il ne suffit pas d’aimer les jeunes. Ils doivent sentir qu'ils sont aimés"), ce qui ne signifie pas se compromettre, ni céder, ni transiger avec ce qui n’est pas bien.

3.2 En relation de solidarité avec les jeunes. Faire le premier pas, "aller vers les jeunes" est “la première urgence éducative fondamentale ”, réalisée dans une vie en commun qui est expression de solidarité agissante / effective. Le jeune est un sujet actif dans la pratique éducative et il doit se sentir vraiment impliqué comme protagoniste dans l'oeuvre qu’on veut réaliser. Sans sa libre collaboration, on ne construit rien. Telle est l'expérience de Don Bosco avec ses jeunes; il n'agissait pas en les gagnant à lui comme éducateur, mais en partageant avec eux les responsabilités. Aujourd'hui une telle solidarité éducative est plus que jamais nécessaire, quand la famille, l'école, la paroisse, la société ne sont pas toujours en harmonie avec les exigences de formation du jeune.

3.3 Avec le regard fixe sur l’Homme nouveau. Le but que se fixe l'éducation salésienne est la configuration de chaque jeune à l’Homme nouveau (le Christ). Evidemment, ceci n'est pas pris en considération par l'éducation laïque. Ce principe est le fruit de nos convictions. Pour un éducateur salésien, le Christ est la meilleure nouvelle que l'on peut donner à un jeune. Le Christ est la plénitude de la révélation: Il nous révèle comment est Dieu et nous le présente comme Père; Il nous manifeste notre nature la plus profonde et nous dit que dans le Christ, nous sommes fils de ce Dieu-Père. Il n’y a pas de dignité plus grande, ni meilleure nouvelle à transmettre. Pour cela, pour les salésiens, le Christ n'est pas une alternative entre d’autres, mais bien la plénitude de la vie qui doit être communiquée. Lui seul est le Chemin, la Vérité et la Vie. L'événement du Christ n'est pas simplement expression d'une formulation religieuse, mais un fait objectif de l'histoire humaine. Chaque personne a besoin du Christ et elle tend vers Lui, même si elle ne le sait pas. Cette attirance est intrinsèque à la nature humaine, étant donné que l'homme a été créé objectivement dans l'ordre surnaturel, dans lequel le « projet homme », est pensé en vue du mystère de Christ. La recherche malsaine d'efficacité et le relativisme religieux sont au détriment de la personnalité des jeunes.

3.4 Par un travail de caractère préventif. Prévenir est l'art d'éduquer en positif, en proposant le bien d’une manière attrayante; c'est l'art de faire en sorte que les jeunes grandissent de l’intérieur, avec une liberté intérieure qui leur fait dépasser les formalismes extérieurs. C'est l'art de gagner les coeurs pour qu'ils avancent avec joie en faisant le bien, en corrigeant les déviations, en se préparant pour l'avenir. Il s'agit d'arriver au centre là où se forment et s'enracinent les comportements.

3.5 En unissant dans un seul faisceau de lumière raison et religion. La « méthode éducative originale» de Don Bosco se présente toujours avec trois pôles de valeurs: la raison, la religion, l’amorevolezza. Il s'agit de trois pôles qui entrent en tension "ensemble" et pas chacun pour son propre compte. Ces trois pôles ne sont pas simplement des valeurs humaines (horizontalisme), et non seulement religieuses (spiritualisme); ni seulement des valeurs d'amabilité (sentimentalisme), mais tous les trois pôles ensemble, dans un climat de bonté, de travail, de joie et de sincérité, assurent le fonctionnement de la grâce d'unité dans l'action éducative." La pratique du système préventif devient évidemment, pour l'éducateur, une spiritualité très exigeante. On ne peut pas le pratiquer sans une charité pastorale prouvée, sans une vraie passion pour se consacrer totalement au salut des âmes. Nous sommes en train de parler de sainteté pédagogique, de sainteté attrayante mais profonde, de sainteté qui s'identifie avec la joie, mais qu se réalise en se basant sur le service aux jeunes, sur le sacrifice, sur le travail et la tempérance, ‘coetera tolle’.

3.6 Avec un engagement créatif face au « temps libre » du jeune. Le 23ème Chapitre Général affirme que "la vie de groupe est un élément fondamental de la tradition pédagogique salésienne". A Chieri, le jeune Jean Bosco fonda la "Société de la Joie "; Dominique Savio fonda la Compagnie de l'Immaculée; Michel Magon appartenait à la Compagnie du Très Saint… À travers les associations, on touche les milieux et chaque personne à l'intérieur de son groupe. Naturellement, il faut toujours être prêt à offrir un accompagnement personnel compétent, spécialement aux animateurs et aux responsables.

3.7 Vers le réalisme de la vie. Une des caractéristiques de la pédagogie de Don Bosco est son aspect pratique, vouloir rendre les jeunes capables d’entrer dans la vie sociale et ecclésiale; les aider à trouver leur place dans l'Église et dans la société (dimension de la vocation). Pour atteindre ce but, les théories ne suffisent pas. Il faut unir à la formation de l'esprit et du cœur, l'acquisition d’aptitudes opérationnelles et relationnelles: l’esprit d'initiative, une sincère capacité de sacrifice, l’amour du travail avec le sens de la responsabilité, l’apprentissage de services et de métiers, c’est-à-dire une formation au réalisme de l'existence avec un sens de sérieux et de collaboration.

4. LE SERVICE ÉDUCATIF-PASTORAL DES SALÉSIENS

"On demande à l'éducateur du sérieux dans son travail et une vigilance d’esprit. Il doit prendre acte de tous les courants qui influencent les jeunes et les aider à évaluer et à choisir. (..) Il ne suffit pas de savoir, il faut communiquer. Il ne suffit pas de communiquer, il faut se communiquer. Qui communique une notion mais ne se communique pas enseigne mais n'éduque pas. (...) Il faut aimer ce que nous communiquons et celui à qui nous communiquons."

Plus que les œuvres, ce sont les personnes qui nous intéressent, ces personnes auxquelles nous sommes envoyés et à qui nous devons donner des réponses valables sur le plan éducatif et pastoral, Pour Don Bosco "les jeunes étaient ses patrons" eux qui doivent être connus et sauvés. C’est pourquoi, pour l'éducateur, la formation est la première exigence de sa vocation et de sa mission, parce que devant n’importe quelle situation où peuvent se trouver les jeunes, il doit ‘être formé pour faire face’ - au point de vue éducatif, religieux et pastoral. Pour que le service éducatif que l’on offre soit de qualité il faut investir en personnes, ressources et temps dans la formation des agents éducatifs; et l’on doit former non seulement l'esprit et l'intelligence, mais aussi le coeur qui doit se maintenir toujours en attitude positive devant les défis que la culture et l’éducation des jeunes posent constamment. Pour cela, comme éducateurs salésiens, nous devons mettre en valeur et donner toute sa dignité à notre vocation éducative et à l’acte éducatif ; ce qui signifie aider les jeunes à développer toutes leurs dimensions, jusqu’à devenir personnes. Il faut vraiment être « formés » pour affronter la "problématique éducative" comme un défi à notre capacité professionnelle et non comme une excuse qui nous bloque, et nous fait renoncer à notre tâche éducative. La "qualité" de la vie quotidienne doit être la plateforme privilégiée de la formation.

Pour celui qui est éducateur par vocation, l'acte éducatif est "le lieu privilégié de la rencontre avec Dieu". Il ne s’agit donc pas, d'un moment marginal dans sa vie. Demeurer avec les jeunes est l’espace spirituel et le centre pastoral de la vie de l'éducateur selon le coeur de Don Bosco. Si ce centre d'unité s'effrite, l’espace est alors ouvert aux protagonismes, aux activismes ou aux intuitionnismes qui constituent une tentation insidieuse pour les institutions éducatives. La charité pastorale est le moteur de la spiritualité éducative qui est le fruit d'effort, de dévouement, de réflexion, d'étude, de recherche et de soin continu et vigilant; mais elle plonge ses racines dans l'union avec Dieu (‘comme s'il voyait l'Invisible"), elle se traduit en prière et action, en mystique et ascèse. De cette manière elle sert non seulement pour la sanctification de l'éducateur, mais aussi des jeunes eux-mêmes.

On peut affirmer encore plus. La sanctification est un cadeau qui vient des jeunes, étant donné que Dieu les aime et qu’Il a un projet (un ‘rêve’), pour chacun d'eux; puisque Jésus veut partager avec eux sa vie et que l'Esprit Saint est présent en eux pour construire la communauté humaine et chrétienne. Éducateurs et jeunes se rencontrent sur le même chemin de sainteté. C’est pourquoi, nous devons accepter, avec créativité, le défi d’être, à travers l’éducation, missionnaires des jeunes d’aujourd’hui. Ainsi, le service qu’offre l'éducation salésienne est complet, intégral, car il tient compte de toutes et de chacune des dimensions de la personne, en cherchant le bien intégral du jeune « ici et pour l'éternité", l’honnête citoyen et le bon chrétien, tel que l'exprime le trinôme: Santé, Savoir, Sainteté.

Ce service éducatif ne s’adresse pas aux "privilégiés", aux jeunes choisis ou élus. Et il n’est pas non plus un service valable seulement pour des centres d'assistance ou pour des jeunes en difficulté. C’est un service éducatif qui s'offre à tous, qui est valable pour tous. Il est conçu pour « la masse » et pour chacun en particulier, pour n'importe quel milieu et pour n’importe quelle situation éducative, étant donné que les principes et les techniques qui le régissent peuvent être pratiquées par de simples éducateurs, qui possèdent - ceci oui - une personnalité chrétienne profonde et qui soient doués d’une grande charité pastorale envers leurs élèves.

Don Bosco, homme pratique comme il n’y en a jamais eu, savait que la valeur de n'importe quelle méthode éducative se mesure à la capacité de motiver les découragés, de récupérer ceux qui ont déjà jeté l’éponge, d'offrir à la société, comme des professionnels honnêtes et compétents, ces garçons qu'il recueillait à travers les rues et les places, exposés à tous les dangers caractéristiques d'une grande ville. La méthode de Don Bosco prépare des hommes à une vie profondément humaine à travers un métier, utile personnellement et à la société. Tout cela est subordonné au "unum necessarium" de l'Évangile: la gloire de Dieu et le bien intégral du jeune.

Don Bosco était un éducateur et il l’a toujours été au milieu de ses garçons: dans la cour, au réfectoire, en classe, dans les ateliers, à la chapelle. C’est pour cela que la proposition éducative salésienne n'est pas réservée à quelques structures, par exemple à l'école. L’acte éducatif est d'abord et avant tout une relation entre les personnes et elle est possible aussi bien dans des milieux éducatifs institutionnels que durant les temps libres des jeunes. Âme et corps, personne et société, culture et santé physique: tout est pris en considération dans cette conception éducative solide, adaptée à tous les milieux (écoles, paroisses, temps libres, plateformes sociales et milieux de marginalisation…), à tous les contextes géographiques (l'oeuvre salésienne est présente dans tous les continents), sociaux (riches et spécialement pauvres), religieux (lointains, tièdes, pratiquants), à tous genres de personnes(jeunes et adultes, familles, milieux populaires), et spécialement à tous les éducateurs qui aspirent sincèrement au bien objectif des jeunes.

Nous pouvons conclure en disant que le service éducatif et pastoral salésien se réalise dans une pluralité de formes, déterminées en premier lieu par les besoins de ceux à qui il se consacre. Sensibles aux signes des temps et attentifs aux exigences du territoire et de l'Église, nous créons et nous renouvelons nos structures avec créativité et souplesse constantes, en cherchant à être partout missionnaires des jeunes, porteurs de l'Évangile aux jeunes d'aujourd'hui. L'éducateur salésien est toujours fils de Don Bosco qui se déclarait prêt à n’importe quoi, même à "ôter son chapeau devant le diable", pour sauver l'âme de ses jeunes.

5. ÉDUQUER EN ÉVANGÉLISANT

« Notre art éducatif est ‘pastoral’, non seulement parce que du côté de l'éducateur, il est alimenté explicitement et quotidiennement par la charité apostolique, mais aussi parce que tout le processus éducatif, avec ses contenus et sa méthodologie, est orienté vers la finalité chrétienne du salut et imprégné de sa lumière et de sa grâce ».

Évidemment pour Don Bosco, l'instruction religieuse était la base de toute éducation. Bien qu’étant restrictive en soi, la formule qui exprime le mieux la pensée de Don Bosco est peut-être: "honnêtes citoyens et bons chrétiens". C’est-à-dire, les valeurs de l'Évangile et de ‘notre sainte religion’ doivent inspirer et orienter le développement des potentialités du jeune jusqu'à ce qu’il arrive à être une « personne ».

Mais dans le contexte de l'évolution des sociétés modernes, il ne ressort pas clairement qu'éducation et évangélisation doivent procéder ensem,le et que, en outre, elles interfèrent l’une sur l’autre. "Aujourd'hui on a tendance à présenter l’acte éducatif principalement sous une forme laïque, et cela non seulement en théorie. Il est facile d’interpréter le ‘professionnalisme des éducateurs » en les réduisant au niveau de simples enseignants. Malheureusement, le danger de la fracture entre devoir culturel et engagement pastoral n'est pas imaginaire. Éduquer et évangéliser sont deux actions, de par soi, différentes (…) mais l'unité même de la personne du jeune demande à ne pas les séparer. Une juxtaposition simple ne suffit pas non plus, comme s'il était normal qu'ils s’ignorent mutuellement".

L'activité éducative se situe dans le domaine de la culture et fait partie des réalités terrestres; elle se réfère au processus d'assimilation d'un ensemble de valeurs humaines en évolution, avec leur but spécifique et avec une légitimation intrinsèque qui ne doit pas être manipulée. Sa finalité est la promotion de l'homme, c’est-à-dire faire en sorte que l'adolescent apprenne le ‘métier d'être une personne’.

Il s'agit d'un processus qui se réalise à travers un chemin de croissance long et progressif. "Plus que chercher à imposer des règles, ce processus se préoccupe de rendre de plus en plus responsable la liberté, de développer les dynamismes de la personne, en faisant appel à sa conscience, à l'authenticité de son amour, à sa dimension sociale. C’est un véritable processus de personnalisation à faire mûrir en chaque être". Et ce processus demande du temps et porte en lui une progression bien mesurée; cela signifie que l'éducation ne peut pas se réduire à une simple méthodologie. L'activité éducative est liée d'une manière vitale à l’évolution du sujet. "Elle est une forme de paternité et de maternité, presque une co-génération humaine pour la croissance des valeurs fondamentales, comme: la conscience, la vérité, la liberté, l'amour, le travail, la justice, la solidarité, la participation, la dignité de la vie, le bien commun, les droits de la personne. Et c’est justement pour cela, qu’elle est préoccupée aussi de faire éviter ce qui est dégradation et déviation, les idolâtries (richesse, pouvoir, sexe), la marginalisation, la violence, les égoïsmes, etc. Elle se consacre à faire grandir le jeune du dedans afin qu’il devienne un homme responsable et se conduise en honnête citoyen. Éduquer veut dire, donc, participer avec un amour paternel et maternel à la croissance du sujet pendant qu'on se préoccupe aussi, dans ce même but, de la collaboration avec les autres: la relation éducative, en effet, suppose diverses interventions collectives".

" Par contre, l'évangélisation est ordonnée par elle-même à transmettre et à cultiver la foi chrétienne; elle appartient à ces événements de salut qui proviennent de la présence de Dieu dans l'histoire ; elle se consacre à les faire connaître, à les communiquer et à les faire vivre dans la liturgie et dans le témoignage. Elle ne s'identifie pas simplement avec une norme éthique, parce qu’elle est une révélation transcendante; elle ne part pas de la nature ou de la culture, mais de Dieu et de son Christ".

Ces diversités étant signalées, nous dirons toutefois que nous, dans toutes les situations, nous devons considérer fondamental et indispensable le rapport réciproque entre maturation humaine et croissance chrétienne, en mettant à la disposition de la croissance (organique, intégrale et harmonieuse) du jeune toutes les ressources de nature et de grâce. Dans son discours au 23ème CG, Jean Paul II nous disait: “Vous avez bien choisi: celle de l'éducation des jeunes est l’un des grands domaines de la nouvelle évangélisation". Et le Cardinal Ratzinger d’alors, rappelait, lors la rencontre des Provinciaux de l'Europe, que c’était aux salésiens de continuer à être des "prophètes de l'éducation". C’est pourquoi, nous parlons de "évangéliser en éduquant et éduquer en évangélisant", convaincus que l'éducation doit puiser, dès le premier moment, sa source dans l'Évangile, et que l'évangélisation requiert, dès le premier instant, de s'adapter à l’évolution de l'enfant, de l'adolescent, du jeune… Notre manière d'évangéliser vise à former une personne mature dans tous les domaines. Notre éducation vise à l’ouvrir à Dieu et au destin éternel de l’homme.

Pour être évangélisatrice, l'éducation doit prendre en considération quelques éléments: la priorité de la personne face aux autres intérêts idéologiques ou institutionnels, le soin du milieu qui doit être riche en valeurs humaines et chrétiennes, la qualité et la cohérence évangélique de la proposition culturelle qui s'offre à travers les programmes et les activités; la recherche du bien commun, l'engagement vers les plus défavorisés; la question sur le sens de la vie, sens transcendant et l'ouverture à Dieu, un ensemble de propositions éducatives offertes qui suscitent chez les jeunes le désir de grandir dans sa propre formation et dans l'engagement chrétien au sein de la société et pour le service des autres.

L'éducateur chrétien, en style salésien est celui qui assume le travail éducatif en le voyant comme collaboration avec Dieu pour la croissance de la personne.

6. ÉVANGÉLISER EN ÉDUQUANT

"La pastorale de Don Bosco ne se réduit jamais seulement à la catéchèse ou seulement à la liturgie mais elle embrasse toutes les tâches pédagogiques / culturelles de la condition des jeunes (…) Il s'agit de cette charité évangélique qui se concrétise (...) en libérant et en faisant grandir le jeune abandonné et égaré".

Dans le chapitre précédent, nous avons explicité qu'éduquer et évangéliser sont de par soi des actions différentes, mais que dans la pratique salésienne non seulement ils ne peuvent pas se séparer mais ils doivent se compléter et s'enrichir mutuellement. Si l’éducation qui n'ouvre pas le jeune à Dieu et au destin éternel de l'homme n’est pas salésienne, l'évangélisation qui ne vise pas à former des personnes matures dans tous les domaines et qui ne sait pas s'adapter ou respecter l’évolution de l’enfant, de l'adolescent, du jeune, ne l'est pas non plus.

Tout le monde connaît la situation de la culture européenne et les difficultés que l'Église rencontre pour évangéliser les nouvelles générations.

Parler de la religion ou des religions dans l’Europe d’aujourd'hui est vraiment complexe. Devant les chiffres d'appartenance officielle, il y a la pratique personnelle et la pratique sociale (baptêmes, mariages…), les croyances plus profondes, toute une typologie d'expériences religieuses qui va du croyant convaincu et cohérent à l'athée le plus radical.

Évidemment les sondages et les statistiques ne donnent pas les derniers mots sur le vécu religieux de nos contemporains, mais nous ne pouvons pas les ignorer. Les clignotants, au moins en Europe, sont sur le rouge. Nombreux sont les articles ou les essais publiés durant ces années sur le fait religieux. En général ils sont pessimistes.

Le document qui présentait "l'ordre du jour" du Synode pour l'Europe – octobre 1999 – affirmait que "la prédominance culturelle du marxisme a été remplacée par un pluralisme indifférencié et fondamentalement agnostique ou nihiliste. (..) Grand est le risque d'une déchristianisation progressive et radicale du continent jusqu'au point de formuler l’hypothèse d'une sorte d'apostasie du continent."

Il est évident que la pratique religieuse comme les croyances sont plus faibles parmi les jeunes. En général, ils vivent, de plus en plus loin de la foi. “Il s'agit d'une couche de la population plus sensible aux modes culturelles et certainement davantage frappé par la sécularisation des milieux”. L'évangélisation devient chaque fois plus difficile à cause de cette sécularisation des milieux. Il y a un réel divorce entre les nouvelles générations de jeunes et l'Église. L'ignorance religieuse et les préjugés diffusés par certains moyens de communication et qu’ils avalent chaque jour, ont alimenté en eux l'image d'un Église-institution conservatrice, qui va contre la culture moderne, surtout dans le champ de la morale sexuelle. C’est pourquoi, toutes les propositions religieuses sont automatiquement dévaluées, relativisées.

Le drame est la rupture existante dans la chaîne de transmission de la foi. Les espaces naturels et traditionnels (famille, école, paroisse) se révèlent inefficaces, pour la transmission de la foi. L'ignorance religieuse grandit, donc, dans les nouvelles générations.

Il est évident que parmi les jeunes “l'émigration silencieuse extra-muros de l’Eglise” continue. "Les croyances religieuses se teignent de pluralisme et suivent de moins en moins un canon ecclésial: et donc les niveaux de pratique religieuse baissent lentement: sacrements et prière."

L'ignorance religieuse est presque absolue. Il n'est pas facile de définir l'image que les jeunes ont de Dieu, mais certainement que le Dieu chrétien a perdu la place centrale vis-à-vis d'un Dieu médiatique qui porte à diviniser les images du monde du sport, de la musique, du cinéma.

Le jeune sent la passion pour la liberté et il ne s'arrête pas devant les portes des églises. Nombreux sont les jeunes qui pensent que l'Église est un obstacle à leur liberté personnelle. Il est facile de constater le grand nombre des jeunes qui s'éloignent de l'Église, qui se déclarent étrangers au sens du péché et se caractérisent par une tendance accentuée à une plus grande permissivité et relativisme moral.

Devant cette situation nous pouvons nous demander: quelle éducation offrent les institutions scolaires et ecclésiales? Pourquoi la question religieuse a-t-elle été effacée de l'horizon de vie des jeunes?

Jean Paul II a convoqué l'Église à une nouvelle évangélisation qui doit se faire avec une nouvelle ardeur, avec une nouvelle méthode et avec de nouvelles expressions.

L’enfant, l'adolescent, le jeune est généreux par nature et il s'enthousiasme pour les causes qui valent vraiment la peine. Pourquoi le Christ a-t-il cessé d’avoir sens pour eux?

L'Église, si elle veut rester fidèle à sa mission de sacrement universel de salut, doit apprendre les langages des hommes et des femmes de chaque temps, ethnie et milieu. Évidemment, entre autre, l'Église a “un sérieux problème de langage” qui ne lui permet pas d'exprimer, sous des formes adaptées, le salut que le Christ offre aux hommes de notre temps. Au fond, il s'agit d'un problème de communication, d'inculturation de l'Évangile dans les réalités sociales et culturelles; un problème d'éducation dans la foi pour les nouvelles générations.

L'éducation salésienne part de la situation concrète de chaque personne, de son expérience humaine et religieuse, de ses angoisses et de ses anxiétés, de ses joies et de ses espérances, en privilégiant toujours l'expérience et le témoignage, dans la transmission de la foi et des valeurs. Elle accorde une attention particulière à la pédagogie de l'initiation chrétienne de manière que le Christ soit accepté plus comme l'ami qui nous sauve et nous fait fils de Dieu, que comme le législateur qui nous charge de dogmes, de préceptes ou rites. Elle met en évidence les aspects positifs et festifs de chaque expérience religieuse, fidèles à la mission confiée par le Seigneur à Don Bosco dans le rêve des neuf ans: Mets-toi donc immédiatement à leur faire une instruction sur la laideur du péché et sur la valeur de la vertu.

‘Évangéliser en éduquant’ signifie savoir proposer la meilleure des nouvelles (la personne de Jésus) en s’adaptant et en respectant l’évolution de l’enfant, de l'adolescent, du jeune. Le jeune cherche le bonheur et la joie de vivre et comme il est généreux, il est capable de se sacrifier pour les atteindre, si nous lui montrons un chemin convaincant et si nous nous offrons comme compagnons compétents de voyage. Les jeunes étaient convaincus que Don Bosco les aimait, qu'il désirait leur bonheur ici, sur la terre et dans l'éternité. Pour cela ils acceptaient le chemin que leur proposait Don Bosco: l'amitié avec le Christ, Chemin, Vérité et Vie.

Don Bosco nous enseigne à être en même temps (voici la ‘grâce d’unité’) éducateurs et évangélisateurs. Comme évangélisateurs, nous connaissons et nous cherchons le but: porter les jeunes au Christ; comme éducateurs, nous devons savoir partir de la situation concrète du jeune et réussir à trouver la méthode adéquate pour l'accompagner dans son processus de maturation. Si, comme pasteurs, il serait honteux de renoncer au but, comme éducateurs, il serait honteux de ne pas trouver la méthode appropriée pour les motiver, entreprendre avec eux le chemin et les accompagner d’une manière crédible.

Conclusion

Je conclus en souhaitant que cette Étrenne 2008 et, plus concrètement, ces Journées de Spiritualité de la Famille Salésienne, nous portent à redécouvrir le génie éducatif de don Bosco, notre charisme pédagogique, l'héritage précieux du Système Préventif, et nous rendent conscients d'être porteurs du meilleur cadeau que nous pouvons offrir aux jeunes: l'éducation salésienne. Voilà, notre prophétie. Voilà ce que l'Église, la Société et les jeunes attendent de la Famille Salésienne dans le monde entier.

 

Don Pascual Chávez Villanueva
Rome-Salesianum, le 18 janvier 2008

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